samedi 4 juin 2005

L'article du samedi - Villepin, la cerise sur la crème de l'élite

a en croire les commentateurs, la claque infligée par les électeurs au référendum ne ferait pas seulement chauffer les joues de Jacques Chirac et François Hollande, mais aussi celles de l'élite, et même des «élites», aussi contradictoire qu'apparaisse le pluriel appliqué à un tel mot. Mais il faut comprendre qu'il y a l'élite d'en haut et l'élite d'en bas. Malgré le mépris qu'on leur applique souvent, hommes politiques et journalistes constitueraient une élite, alors que les intellectuels, dont les opinions sur le oui et le non étaient plus mitigées, en seraient exclus. On voit bien qu'ils ne sont que deux à constituer l'élite au gouvernement, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Les autres, ce sont les ministres d'en bas. Au demeurant, le Premier ministre ne semble pas placer les élus si haut. Il préfère ne pas être esclave du suffrage universel, rester au-dessus de la mêlée. Il est curieux que le président de l'UMP le lui reproche, lui dont le grand combat serait d'avoir arraché le bastion de Neuilly à l'extrême gauche. Mais Dominique de Villepin a déjà rencontré des électeurs quand il a sillonné la France, sûrement qu'il a des amis électeurs et qui sait si lui-même ne s'est jamais déplacé dans un de ces pittoresques bureaux de vote fréquentés par le peuple ? Mais si tout ce qu'on a contre lui dans cent jours est d'être un aristocrate, il aura réussi. Après le nouvel élan, une «nouvelle impulsion». C'est comme le pas en avant des pays au bord du gouffre : on ferait peut-être aussi bien de ne plus bouger.

L'élite au pouvoir, c'est l'échec de la démocratie. Si c'était vraiment la démocratie, c'est nous les cons qui gouvernerions. Pourquoi les élites sont-elles au pouvoir si elles ne sont pas majoritaires ? A quoi bon pour l'élite consulter le peuple si le peuple ne consulte pas l'élite avant de répondre ? Ça ne se reproduira pas, une élite avertie en vaut deux. Personne ne semble redouter que les élites se replient sur elles-mêmes, qu'elles boudent, grève des élites, ou qu'on se les arrache à l'étranger, fuite des élites. On pourrait alors s'en sortir grâce à l'Europe, faire venir des ministres et des élites polonais, ça nous reviendrait moins cher. Au demeurant, à voir leur composition, il semble qu'il y ait déjà une discrimination positive parmi les cons pour les faire accéder aux élites.

L'élite opprimée, l'élite humiliée mais l'élite libérée, grâce à Dominique de Villepin. Il est la dernière chance des élites, après il n'y aura pas d'autre solution que taper dans le populaire. Il est le dernier rempart. Mais contre quoi ? Le chômage ? La grippe aviaire ? C'est suicidaire pour l'élite de vouloir être majoritaire. Le «modèle français», il est de plus en plus français et de moins en moins modèle. Les élites feraient mieux de moins se moquer de nous, les cons. Si on était moins cons, ils seraient moins l'élite. L'élite a les cons qu'elle mérite. Dominique de Villepin est le grand manitou du veto, droit de vote de l'élite. Mais pas sûr que ça suffise contre le chômage. En Angleterre, ils ont tout bêtement des riches. Nous, on a une élite financière, les grands serviteurs de l'économie. Le référendum a cependant montré qu'on ne peut pas toujours, avec soi, avoir le peuple et l'argent du peuple.

Par Mathieu LINDON

C'est assez rare un article vraiment engagé sur libé... et en plus je le trouve bien tourné.
El.

Source : Liberation

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