vendredi 25 novembre 2005

TF1 : Sarkozy répond à Kassovitz sur son blog

Mathieu KASSOVITZ :
Depuis quelque temps, les radios et les télévisions du monde entier essaient d’obtenir de ma part une interview à propos des événements qui secouent les banlieues de France.

Je ne peux malheureusement pas honorer toutes les demandes, j’ai donc décidé de m’exprimer sur mon site.

Aussi loin que je veux me tenir de la politique, il est difficile de rester distant face aux dérèglements des politiciens. Et quand ces dérèglements attisent la haine de toute une jeunesse, je me retiens de ne pas encourager les casseurs.

Nicolas SARKOZY, qui est apparu dans la vie médiatique française tel une starlette de la Star ac’, et qui nous abreuve des détails de sa vie privée et de ses ambitions politique depuis quelques années, ne peut s’empêcher de créer l’événement à chaque baisse de sa côte aux sondages IPSOS. Cette fois ci, Nicolas SARKOZY a pris à contre-pied tout ce que la République Française défend. La Liberté, L’égalité, et la Fraternité d’un peuple.

Le ministre de l’intérieur, futur présidentiable, tient des propos qui non seulement démontrent son inexpérience de la politique et des rapports humains (intimement liés), mais qui aussi mettent en lumière l’aspect purement démagogique et égocentrique d’un petit Napoléon en devenir.

Si les banlieues explosent une nouvelle fois aujourd’hui, ce n’est pas dû à un raz le bol général des conditions de vies face auxquelles des générations entières « d’immigrés » doivent se battre quotidiennement. Il n’y a malheureusement pas de combat politique dans ceux qui opposent les jeunes de cités à la police de Nicolas SARKOZY. Ces voitures qui brûlent sont des réactions cutanées face au manque de respect du ministre de l’intérieur envers leur communauté.
Nicolas SARKOZY n’aime pas cette communauté, il veut se débarrasser de cette « racaille » à coups de Karcher et il le hurle haut et fort au milieu d’une cité « chaude » à 11 heures du soir.

La réponse est dans la rue. La « tolérance zéro » fonctionne dans les deux sens.

Il est inadmissible qu’un homme politique (mais en est-il vraiment un ?) se permette de déséquilibrer une situation tendue par des années d’ignorance et d’injustices, et qui se permet de menacer ouvertement toute une partie de la population française sans adresser les vrais problèmes.

En agissant comme un maître de guerre, il ouvre une brèche qui j’espère va l’engloutir.
La haine attise la haine depuis des siècles et pourtant Nicolas SARKOZY pense encore que la répression est le seul moyen d’empêcher la rébellion. Cette volonté de vouloir imposer sa pensée à n’importe quel prix me rappelle d’autres grands leader de notre temps. J’en ai froid dans le dos.

L’Histoire nous prouve que le manque d’ouverture et de philosophie entre différentes communautés engendre la haine et l’affrontement. L’Intifada des différentes banlieues parisiennes ressemble effectivement aux affrontements qui ont opposés les enfants de Palestine armés de pierres, aux soldats d’Israël armés d’Uzis.

L’Histoire se retrouve partout.

Le bruit et la fureur sont les seuls moyens pour beaucoup de communautés de se faire entendre. Les attentats terroristes qui font la une des journaux en sont le résultat.

Et la répression de la terreur par la terreur n’a jamais fait gagner les guerres, elle n’a fait que les entretenir.

Nicolas SARKOZY est un admirateur de la machine de communication de Georges Bush. Il se sert des medias pour grandir son image et manipuler la population.

Comme BUSH, il ne défend pas un idéal, il répond aux peurs qu’il instille lui même dans la tête des gens.

Il aurait engagé la France auprès des Américains dans la « chasse à la Terreur » de Bush. J’en suis convaincu.

Nicolas SARKOZY veut devenir le président de notre république et « personne ne se mettra en travers de son chemin ».

Si cet homme n’échoue pas au moins une fois dans ses démarches pour arriver à la présidence du pays, plus rien effectivement, ne pourra se mettre en travers de son chemin, et sa volonté de toute puissance pourra être enfin exaucée.

L’Histoire se répète t-elle ? Oui. Elle l’a toujours fait. L’envie de Pouvoir et l’égocentrisme de ceux qui pensent détenir une vérité ont TOUJOURS créé des dictateurs.

Nicolas SARKOZY est certainement un petit Napoléon, je ne sais pas s’il a le potentiel d’un grand, mais il sera impossible demain de dire que nous n’étions pas au courant.



Mathieu KASSOVITZ.

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L'intégralité de la réponse de Nicolas Sarkozy à Kassovitz sur son blog

Cher Monsieur,

J'ai pris connaissance de vos propos développés sur votre blog relatifs à la crise qui a traversé plusieurs de nos banlieues. Au-delà de vos flèches caricaturales et provocantes dont je suis la cible, j'ai tenu à vous répondre personnellement car je crois aux vertus du débat et de l'échange, notamment avec celles et ceux qui ne souscrivent pas à mes idées ou mes actes.

Le premier point qui m'a frappé à la lecture de votre blog, c'est qu'il laisse fortement entendre que la crise actuelle a surgi soudainement, comme par un malheureux hasard. Vous l'attachez de façon réductrice et manichéenne à ma personne et à quelques mots prononcés par moi-même... Ces mots, j'assume leur tonalité directe et franche car ils sont fondés sur la réalité d'un quotidien vécu par une majorité de nos concitoyens dans les cités. Au surplus, j'estime que le "politiquement correct" et la langue de bois qui prévaut depuis des décennies ne sont pas indifférents à la montée du vote extrémiste dont je combats depuis toujours les idées et les leaders.

Vous connaissez, semble-t-il, suffisamment "les quartiers" pour savoir, au fond de vous-même, que la situation est tendue depuis de longues années et que le malaise est profond. Votre film, "La haine", qui date de 1995, évoquait déjà ce malaise que des gouvernements, de droite comme de gauche, ont dû gérer avec plus ou moins de réussites. Limiter cette crise aux faits et gestes du Ministre de l'Intérieur, c'est, d'une certaine façon et une fois encore, passer à côté des vrais problèmes. Je mets cela sur le compte d'un coup de cœur mal placé.

Le second point qui m'a heurté, c'est que vous paraissez vous faire, sans nuance, le porte-parole d'une minorité de casseurs plutôt que l'interprète d'une majorité de familles et de jeunes qui vit, elle aussi, dans les cités et qui en a assez de constater que la culture de la violence et des rapports de forces s'est imposée sur celle de l'Etat de droit. Pourquoi n'avoir aucun mot pour ceux dont la voiture a brûlé, les privant ainsi d'un outil de liberté et de travail durement acquis ? Pourquoi ne pas évoquer ces jeunes dont les gymnases ont été réduits en cendres et ces enfants dont l'école est détruite ? Pourquoi, par ailleurs, n'avoir aucune pensée pour les 110 policiers blessés, les pompiers caillassés et les médecins injuriés ?

Votre proximité affective à l'égard des jeunes des cités est compréhensible et estimable, mais j'ai le sentiment qu'elle vous conduit à accepter ce qui n'est pas acceptable. Ce n'est pas rendre service aux banlieues que de prendre fait et cause pour une minorité dont les actes sont répréhensibles et parfois même meurtriers. Je crois même le contraire. Vivre dans un quartier populaire ou être le fils de parents ou grands-parents immigrés n'autorise nullement à lancer des cocktails molotov sur la police et des pierres sur les pompiers. Laisser entendre le contraire, c'est, selon moi, insulter toutes celles et tous ceux qui, dans des conditions d'existences identiques, se comportent en citoyen responsable.

Je n'ignore nullement le fait que derrière cette crise il y a des facteurs économiques, sociaux et culturels. J'en ai mesuré l'ampleur et c'est pourquoi je défends, notamment, le principe de la discrimination positive ou encore le vote des étrangers aux élections municipales. Il est temps de briser l'égalité de façade dont notre pays est coutumier depuis trop longtemps ! Il est temps de donner toutes ses chances à la France plurielle dont j'estime qu'elle est un atout et non un handicap ! A cet égard, je veux vous dire que la Police est sans doute le service public le plus représentatif de cette France plurielle que j'appelle de mes voeux.

Cette nouvelle impulsion dont les quartiers ont tant besoin, ne peut être engagée en l'absence d'un rétablissement des règles républicaines. Le développement des trafics, des violences, des "tournantes", de l'immigration clandestine, minent tous les efforts que nous pouvons entreprendre. En ces zones de non-droit, l'ordre républicain n'est pas l'adversaire du progrès, mais bien son allié.

Nous sommes en présence d'une des crises urbaines les plus complexes et les plus aiguës que nous ayons eu à affronter. Elle exige de la fermeté et beaucoup de sang froid. Ces sont ces instructions précises que j'ai donné aux forces de police et de gendarmerie. Elles agissent avec une maîtrise et un professionnalisme qui font honneur à notre démocratie. Au cours des quatre dernières semaines, certaines de nos unités ont fait face, dans le calme et la discipline, à une violence dont je vous demande de ne pas sous-estimer la brutalité.

Voilà les quelques réflexions que m'inspire la lecture de votre blog. Je sais que vous êtes, avec votre style et vos convictions, à la recherche d'une prise de conscience des pouvoirs publics vis à vis des banlieues. Depuis tant d'années, beaucoup d'argent a été engagé, beaucoup d'efforts ont été entrepris par les services de l'Etat comme par les acteurs de terrain. Les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Nous y avons tous notre part de responsabilité. Comment faire mieux et autrement ? Cette question, il faut maintenant la résoudre.

Demeurant disponible pour poursuivre, si vous le jugez utile, notre échange de vive voix, je vous prie de croire, Monsieur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Nicolas Sarkozy

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