lundi 19 mai 2008

Treize...

Ça fait treize maintenant. Un sourire s'étirent sur mes lèvres... Comme toujours. Celle-là m'auras donné un peu plus de mal que les autres. Un peu plus de plaisir aussi en conséquence. Je n'aime pas quand c'est trop facile. Et ça devient beaucoup trop facile. Presque répétitif... Il va me falloir compliquer le jeu. Ajouter des règles, des défis. Me compliquer la tache. Rire, j'en ris doucement. C'est moi qui parle comme ça ? Normalement, je devrais plutôt me cacher, me fondre, me faciliter la tache non ? Le soleil n'est pas encore apparu mais il ne saurait tarder. De quoi ai-je l'air ? Un promeneur matinal ? Probable. Je n'ai certainement pas l'air de ce que je suis en réalité... Je n'en ai jamais eu l'air. Paradoxalement, dans quelques minutes, je ne le serais plus... Jusqu'à la prochaine fois. Aie ! Mon bras me fait un peu mal sous la manche de ma chemise. Il faut que je désinfecte ça avant d'aller au travail. La petite complication de cette nuit. Un peu de négligence. Un ongle me faire du dégât quand il se plante quand la chair. Ma chair. Et si elle était arrivée à s'enfuir ? Il faut que je fasse un peu attention tout en compliquant tout ça. Elles ne me connaissent pas bien sûr... Mais un peu de malchance ajoutée à un peu de chance pour l'une d'entre elle et... Hum... Me faire prendre... Et pourquoi pas ? Que c'est frustrant de ne pas pourvoir le dire à personne, ne pas pouvoir vanter mes exploits. Mes nuits de chasse où j'éprouve ma supériorité sur le reste de cette humanité décadente et puante. Pas comme le travail de ces charognards, ces imbéciles violents... Étrange, comme je n'ai jamais sommeil avec ces nuits là où pourtant je n'ai pas dormis. C'est comme si moi, celui qui travail, avait dormis et pas l'autre... Celui qui... Enfin... L'autre, après avoir bien travaillé, pouvait maintenant se rendormir pour quelques temps. Mais pour combien de temps ? Souvent durant ces phases « entre » j'ai l'impression que plus jamais il ne se réveillera... Mais peu importe le temps, au final, que ce soient des semaines ou des mois... Même des années... Il finit toujours par revenir... Une vague, une intuition, une pression dans mon esprit... Un chuchotement, un murmure dans ma tête... Ma voix, ma propre voix, mais je le reconnais toujours, car même avec ma voix, ce n'est pas tout à fait moi... Mais que ses paroles sont séduisantes, puissantes, enivrantes, quand elles me parviennent. Qu'elles peuvent se montrer insistantes quand j'essayais de ne pas les écouter. Et dire que pendant des années, j'ai lutté contre elles... J'ai prié pour qu'elles s'échappent de moi, me laissent en paix... Les drogues qui me plongeaient dans l'hébétude... Alors que c'étaient les voix d'un ami... Qu'elle plénitude quand je l'ai finalement écouté. Quel soulagement... Un peu comme le premier plaisir solitaire chez les autres hommes je présume. La fin d'une frustration immense devenue intolérable... Et de treize maintenant. Serais-je un jour pris, surpris, arrêté ? Probable... Que je me laisserais prendre... Pour le plaisir, pour raconter... Mais pas avant longtemps, très longtemps. Je devrais peut-être écrire un livre. Dire à tous ceux qui, comme moi, sont habités par la pulsion, qu'il faut se laisser aller. Ô bien sur pas stupidement, pas avec ignorance et faire dans la boucherie. Non, bien sur. Choisir, délicatement et avec précision, l'objet de sa chasse, celles ou ceux qui le méritent, bien sur. Oui c'est ça, celles ou ceux qui le méritent. Celles qui étaient cruelles et malfaisantes avec les autres enfants quand elles étaient petites... Celles qui... Mais, je me perds dans mes pensées, je ne suis déjà plus qu'à quelques centaines de mètres de la porte de mon immeuble et le feu du soleil s'apprête à embrasser le ciel. Je dois prendre une bonne douche, me désinfecter le bras et surtout, m'en débarrasser... La puanteur de sa peur lorsque j'ai enfoncé la lame dans sa gorge et qu'elle s'est sentie mourir... Je les sorts de ma poche et commence à les envoyer une par une autour de moi discrètement. J'ai fait disparaître le corps dans le foyer d'une chaudière comme toujours... Mais je dois empêcher au maximum l'identification... Une dent dans la bouche d'égout, une autre dans le ruisseau là, une deuxième un peu plus loin... Et les dents, c'est important, de ne pas les laisser... D'autres dans l'herbe... J'ai trop tardé à les semer, il m'en reste trop et je ne dois pas les disséminer de manière aussi proche... Tant pis, pour cette fois, je me débarrasserai du reste ce soir en allant me promener. Espérons que cela ne soit pas une erreur. J'en laisserai une ou deux de plus dans les poubelles du train... Au revoir l'ami, dors bien... Je tape le code de ma porte d'entrée et rentre dans l'immeuble encore endormis. C'est une belle journée qui commence, je me sens serein et reposé. Je croise la concierge aux yeux gonflés que je salue. Elle me rend mon sourire. J'ai remis mon masque d'humain. Elle s'y trompe... Pour elle, je suis le gentil jeune homme du quatrième... Pour tous le monde. Quelque part au fond de moi, d'une voix endormie, que je sais souriant, j'entends mon ami ronfler, comme pour me dire qu'il est là, qu'il ne me quitte pas.
Ne t'inquiètes pas... Je prendrai soin de nous.

--- Eleken,
Allez, un petit texte avant un bon dodo :o)

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