"Mes félicitations, Argall", c'est ainsi que mon seigneur me condamna.
Mais qu'avais-je fait de si grave ? Pour un pauvre serf comme moi, le simple fait d'être appelé par mon nom était une sentence en elle-même. Que mon maître eut employé ces termes, ne pouvait vouloir dire qu’une seule chose, la mort. Je ne m’y attendais pas, j’avais préparé le repas et monté la table et c’est à l’instant où je posais le dernier plat, prêt de lui, que sa main, implacable, s’était abattue sur mon poignet. « Mes félicitations, Argall ». Mon nom résonnait dans ma tête comme l’écho dans les montagnes. J’allais mourir. Et j’étais incapable de bouger. Ma main, encore prisonnière de la sienne… Pour la première fois depuis mon asservissement quand j’étais tout petit, j’ai levé les yeux pour croiser les siens. Je me suis brûler la vue dans son regard bleu acier, à l’aspect impassible mais miroitant de rage et de satisfaction. J’ai soutenu son regard pendant quelques secondes, je n’ai pas cédé. Si cela devait être mon dernier acte, mourir en homme insoumis, alors j’irais au terme de ce combat. Durant ces quelques secondes, je n’ai pas cherché à me libérer. Cela était inutile, je le savais, mon sort était scellé. De plus, que pouvait faire un esclave affamé contre un seigneur bien nourrit et entraîné à la guerre. Il a haussé un coin de sa bouche, puis son sourire et devenu plus franc. Un sourire plein de hargne et de haine. Il a alors détourné le regard. Mais loin d’avoir gagné, j’ai compris. Ses yeux se sont portés sur Aneya, la seule autre esclave présente dans la pièce. Aneya que j’aimais, Aneya que je chérissais en secret, Aneya que chaque matin je rejoignais dans le couloir est, juste avant de rejoindre les cuisines, pour la regardais, m’enhardir à lui dire quelques mots, quelques rares fois même, l’embrasser. Nous vivions notre passion cachée de tous, afin de ne pas se retrouver séparés, afin de pouvoir continuer à nous aimer, même contre la difficulté, même contre les interdits, même contre notre condition d’esclaves.
J’ai vu les yeux de mon seigneur captivé par sa frêle poitrine, ils se sont emplis de désir sauvage, le désir de posséder. Là où mes yeux étaient amour, les siens étaient gourmandise. Là où mes yeux étaient passion, les siens étaient ceux d’un prédateur écumant de bave devant une proie sans défense. Le plaisir de la violence sadique, voilà ce qui animait cet homme. Et voilà que cet être abominable convoité la femme que j’aimais, et il savait, il savait que s’il l’a touchait je le tuerais. Voilà le motif de ma condamnation.
Ma bouche s’est ouverte, comme dans un rêve, trop lentement. Je voulais crier mon amour pour Aneya, je voulais lui dire de fuir, je voulais l’aider, je voulais la protéger, je voulais crier mon dégoût, cracher sur le visage de ce monstre… Mais je n’ai pu faire rien de cela. J’ai vu la lame, avant de la sentir, sortir de mon torse, maculant la table et les plats de mon sang. Je me suis senti soulever du sol par la main puissante qui tenait l’épée. Puis elle s’est retirée et je suis tombé sur la table. Et alors que je glissais vers le sol, entraîné par mon poids, incapable de lutter plus longtemps contre la mort qui me saisissait de son manteau glacial, j’ai regardé Aneya qui se tenait à quelques mètres de moi. Elle ne me regardait pas, elle n’osait pas, trop longtemps esclave, elle n’avait pas la force de désobéir à la règle de la vue pour me voir mourir. J’ai supplié en mon âme pour qu’elle lève les yeux, pour que je croise son regard une dernière fois… Une larme, qu’elle n’avait pu retenir, coula sur sa joue… Mais je ne puis lui transmettre d’un regard, tous mes regrets de n’avoir pu la protéger, de n’avoir pu nous libérer… Elle n’a pas levé les yeux… Alors, empli de remord, je suis mort.
(Je devrais sortir un recueil spécial RATP :oP)
... :o) j'ai hate de pourvoir en discuter (avec les 3 précédents).
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