« Au secours ! »
« Aidez-moi »
Ces cris résonnaient dans la nuit. Ces cris, mes cris, qui comme chaque nuit, dans le noir, se heurtaient. Chaque nuit, le même cauchemar, chaque nuit, un peu plus, chaque nuit, un peu plus loin, un peu plus horrible, terrifiant, angoissant… La mort qui rode, qui me court après, qui me poursuit sans relâche, à chaque seconde, de chaque nuit, dans le noir, je m’enfuis et dans l’obscurité, je m’enfonce. Mon âme de plus en plus assombrie, de plus en plus détruite, agonisante dans les affres de la peur… Ici, je meurs.
Mes pas résonnaient sur les parois, un son de métal et de souillures humides. À mes oreilles, c’était celui des pas de la mort, même si je savais que c’étaient les miens. Chaque nuit, je m’enfuyais, courant à travers ces couloirs, poursuivi par cette chose… Cette chose que jamais je ne voyais, cette chose dont la seule chose qui me parvenait était ses pas, lourds et terrifiants, ainsi que sa respiration, rauque… Sanglante. Il m’arrivait sans cesse de repasser par les mêmes couloirs. J’y trouvais parfois de nouvelles traces, du sang, des morceaux putrides, des traces de pas dans la boue qui dans certaines portions recouvrait ce labyrinthe. Car il s’agissait bien d’un labyrinthe qui chaque nuit m’emprisonne… Et chaque nuit, j’ai peur, je cours, je fuis, je souffre, sans savoir, sans comprendre, sans pouvoir m’échapper… Sans pouvoir lui échapper.
Je me rappelle, la premier fois, la première nuit, où je suis venu ici. Au début, je n’étais pas à l’intérieur, j’étais à l’extérieur. Je me rappelle avoir été très lucide, toujours, durant ces rêves. Je me suis dressée, habillée d’une veste et d’une robe de coton, mes pieds nus foulant les feuilles mortes, froides et humides, devant ce portail. Ce portail rouillé et couvert de lierres rampants. C’était l’entrée, l’entrée du labyrinthe. J’ai beau essayer de me rappeler, je ne me rappelle rien d’autre que ce portail et les murs de pierres tout autour. Tout alentour, n’était qu’obscurité et noirceur, néant et mort. Alors que le labyrinthe m’apparut comme éclairé et presque chaleureux, ses murs de pierres, ses poutrelles d’acier et la lumière crue des ampoules au plafond. Je me rappelle la première fois que je l’ai entendu. Je n’étais pas rentrée la première fois, je n’avais pas bougé, je n’avais osé pénétrer derrière la grille. Tout juste m’en étais-je approché, tout juste l’avais-je frôlé, légèrement secoué, vérifié que les lierres la figeaient dans l’immobilité, n’osant pas rompre ces amarres. Et je l’ai entendu. Un bruit, un fracas, horrible et effrayant. Le bruit d’un arbre s’effondrant, brisé. Puis un autre. Et le son des branches, repoussées, fendues, par une masse énorme, le son de la terre, le son de l’herbe écrasée, le son des pas monstrueux s’extirpant de la boue du sol… Cette chose, ce monstre, arrivait… Immédiatement, je sentis une peur hurlante me paralyser, me tétaniser, ici… Ici, où j’étais seule. Et cette chose qui se rapprochait, cette chose qui venait vers moi, cette chose qui me venait pour moi.
Encore de nombreuses nuits d’angoisses, paralysée devant la grille, attendant, terrifiée, tentant sans relâche de bouger, mais terriblement immobile… Et puis enfin la libération, le sentiment de pouvoir agir. Alors je m’étais retournée, tirant sans relâche sur la grille crissant, désespérément accroché au sol par ces racines. Et pour la première fois, le monstre fut suffisamment proche pour que je perçoive sa respiration, rauque, profonde, menaçante. La sueur froide me coulait dans le dos et je n’osais me retourner, sachant que si je le faisais, je pourrais apercevoir, dans l’obscurité, ses yeux rouges me fixant avant que la mort ne me prenne, ne déchiquette, ne me broie de ses griffes monstrueuses. Et enfin, la grille s’était ouverte, quel ne fut pas mon soulagement de pénétrer le labyrinthe, persuadé d’y être à l‘abri… Mais la nuit suivante, je me suis retrouvé dans le labyrinthe, et comme chaque nuit depuis ce jour-là, j’entends le fracas de la grille qui se ploie sous le poids du monstre qui vient me chercher. Ce monstre qui fait trembler les murs de son corps imposant et faisant tomber la poussière du plafond sous ses pas imposants.
Ma voix résonne à nouveau dans le labyrinthe. « Au secours, s’il vous plait, quelqu’un, aidez-moi ! » Je supplie le vide, je supplie le silence de me laisser échapper à ce lieu. Je sens le monstre se rapprocher, à chaque fois, à chaque fois je me réveille en hurlant, en sueur, quand son souffle chaud et humide parcourt ma peau. Quand j’arrive à cet instant, où je sais que ses mâchoires, immondes et mortelles, vont se refermer sur mon corps.
Et chaque fois mon seul réconfort, à mon réveil, trempée de sueur, c’est la voix de Simon, mon mari, boucher, qui me dit de « la fermer »… Cet homme à qui je suis marié depuis de nombreuses années maintenant et qui me dégoûte. Je l’ai vu tuer des animaux, une lueur de plaisir dans les yeux. Cet homme, à qui j’ai essayé de parler de ma peur. J’essaye chaque jour de faire comme si de rien n’étais, comme si je ne redoutais pas le retour de la nuit et du sommeil. Je passe la journée à faire les taches ménagères pour ce porc qui partage ma vie, qui ne me dit jamais merci quand je lui fais à manger, qui ne bouge jamais du canapé quand je fais le ménage, qui ne m’embrasse jamais quand il revient de la boucherie… Mais que j’entends toujours se plaindre… Il vit dans une porcherie, dit-il, je ne suis qu’une vieille peau, dit-il, je ne fais rien de bon, dit-il… Et chaque jour, même dans cet enfer, et trop court et me ramène, épuisée, vers la nuit et le monstre. Chaque soir, j’essaye de lutter contre le sommeil mais le sommeil gagne tout le temps… Et chaque nuit je me réveille dans le labyrinthe, chaque nuit je cours pour survivre, pour tenter de m’échapper… Mais je n’ai jamais retrouvé la sortie, la grille par où je suis rentrée… C’est comme si elle n’existait plus.
Je courrais, encore et encore. Je fuyais, encore et encore. Je pleurais, gémissais, criais… Étouffée par les murs, aveuglées par les murs, oppressée, suppliante, hurlante, rien de me répondait, toujours le monstre se rapprochait… Et puis je suis arrivée dans cette pièce… Le centre du labyrinthe ai-je tout de suite pensé. Au centre de la pièce, il y avait une pierre, large et plate, d’environ un mètre de hauteur. Et sur la pierre, il y avait une vieille femme, portant une veste et une robe usées de couleur indéfinissable, couverte de crasse et de poussière. Elle semblait faire partie de la pièce et elle ne bougeait pas. Lentement, je me suis approchée et j’ai avancé une main vers elle… Pour la toucher… Elle a levé la tête et a plongé ses yeux flamboyant dans les miens, me tétanisant sur place. Sa respiration sifflante me parvint, ses doigts noueux tressaillirent sur l’étoffe de son vêtement. Et la vieille femme, cette forme croulante, inconnue, me parla. Elle me dit d’une voix chevrotante et frêle, avant même que je n’ai prononcé la moindre parole, toujours sous le coup de cette rencontre nouvelle. « Tu dois le tuer. À ton réveil, tues le… Sinon le monstre te prendra, c’est lui le monstre, il faut que tu le tues. »
Et je me suis réveillée. Pour la première fois, depuis des semaines, je me suis réveillée sans hurler… Et sans peur. La respiration de Simon, son ronflement pourri, assaillit mes oreilles. Je me suis levée doucement, encore perplexe devant les paroles de la vieille femme. Simon grogna quand je me suis doucement levée. Et ma décision fut prise. La vieille avait raison. Cet homme était le monstre… Ce monstre qui depuis des années plié mon existence, me réduisait à n’être qu’une bête soumise… Depuis combien d’années, je ne savais même plus, mais la puissance de la rage et de la haine explosa dans mon cœur avec soudaineté. Cette rage qui avait grandi depuis des années, que j’avais ignoré jusque-là et qui maintenant transformé mon crâne en un tambour migraineux, une douleur pulsante et écoeurante qui prenait sa source dans la masse répugnante qui dormait sur le lit.
Je m’éclipsais en silence puis revins de la cuisine avec le plus grand couteau que j’avais pu y trouver. Je me suis approchée le plus doucement possible du lit. Les premières lueurs du jour percées à travers les volets et découpaient des bandes évanescentes de clarté sur l’armoire mitoyenne. Je sautais sur le lit, mes jambes de chaque côté de son corps, et alors qu’il grognait et ouvrait les yeux, j’enfonçais la lame dans sa poitrine. Je restais comme cela sans bouger, lui, regarda la lame sans comprendre puis leva des yeux embrumés d’imbécillité vers moi. Un gargouillis s’échappa de sa gorge quand il tenta de parler. Ce fut pour moi le signal, je retirais la lame de la plaie, projetant des gouttes de sang sur le mur, et je l’abatis à nouveau, encore et encore. Il tenta vainement de se protéger, mes rapidement ses bras retombèrent impuissants le long de son corps. Il ferma les yeux, pendant que je réduisais sa poitrine en une marre sanglante de chairs déchiquetées. Et quand le dernier souffle de Simon s’échappa de sa gorge noyée, un rire sinistre retentit mes oreilles, le rire éraillé d’une vieille femme… Et quand je tournis la tête, je plongis les yeux dans les siens, viles et maléfiques. Je plongis dans mon reflet, mes dents jaunes, ma peau fripée, mes cheveux blancs et le blanc sale de mes yeux… Les gouttes de sang sur mon visage…
Le fracas de la porte d’entrée se brisant me fit sursauter…
Et je perçus le souffle de la bête et son regard se poser sur moi…
Au secours…
Aidez-moi…
J’ai peur…
Le monstre c’est moi…
dimanche 23 septembre 2007
Je veux sortir
--- Eleken,
Et voilà :o), mon improvisation de ce matin,
commençée à midi, terminée à l'instant,
Ecrite intégralement via mon portable (ça va le clavier me plaît :oP)
Allez, c'est repartis sur "Et si..." ;o)
... Hey ! Mais j'ai faim là en fait :oP
Ecrit par Eleken à 16:39
Catégorie : Mes textes, Nouvelles
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