Le décompte, le temps qui fuit, la situation irrattrapable. Je croyais me battre pour quelque chose, mais en cet instant, je me bats non plus pour un but, mais pour ma vie. A cette seconde, peut m’importe la souffrance et l’agonie, seule compte la survie. Je me hisse sur mes avant-bras avec toute la fureur d’exister qu’il me reste. J’éprouve une bouffé de haine inhumaine par sa violence. Pourquoi est-ce que je vis ? Pourquoi est-ce que j’ai survécue ? Je croyais que Dieu avait un but, un destin pour moi, qu’il m’avait tracé un chemin… Alors pourquoi toutes ces morts ? Mes amis, ceux que j’aimais, ces innocents, ces inconnus… Pourquoi faut-il qu’ils meurent tous sur mon passage ? Le voile rouge et noir qui obscurcit ma vue se déchire enfin. Je me redresse pleinement, étonnement consciente des événements. Comme si je ne saignais pas, comme si le temps avait arrêté sa course. Devant moi, le jeune méphitique achève de se relever. Je vois son sang épais et noir couler de la plaie de son cou. J’ai mieux frappé que je ne l’avait cru à l’origine, il est sonné, étourdit par la blessure. Il ne représente pas un danger immédiat. Non, la mort vient par un autre chemin, par l’ancien qui est déjà presque sur moi.
Comme dans un rêve, je tourne la tête. Il est là, tout prêt, figé en l’air dans un saut mortel. Toutes griffes sorties, sans un grognement, silencieusement il saute sur moi. Il est intelligent, il ne veut pas que je le vois arriver sur moi… Sans un bruit, son corps vole vers moi. Une seconde, peut-être deux, me sépare du choc mortel qui m’enverra dans les limbes rejoindre mes ancêtres.
Mon talon s’enfonce profondément dans la terre meuble quand je bondis sur le côté. L’ancien me rate de très peu. Le temps reprend ses droits. Le vent se remet à souffler, le bruit du corps imposant de mon ennemi retombant souplement sur ses pattes, la fraîcheur de la nuit, les nuages qui doucement ondoient, mes blessures qui me brûlent. Je me retourne et je cours. Sans me retourner, je cours aussi vite que possible entre les tronc et dans la neige. Derrière moi, j’entends le hurlement de rage des méphitiques qui se mettent à ma poursuite.
En temps normal, j’aurai pu distancer sans problème ces monstres dont la masse reste inadaptée à notre réalité, mais blessée comme je le suis, ma course et ralentit. Le sang coule abondamment le long de mes flancs lacérés et chaque pas provoque une décharge de douleur. J’entends le pas des monstres sur mes talons qui se rapprochent. Ces secondes sont un cauchemar interminable. Mon esprit se disperse dans la douleur, dans le présent, dans l’incapacité à penser. Je fuis, je fuis, mais sans savoir où je vais, ralentis par la neige et les branches qui s’évaporent et meurent à mesure que les créatures à ma suite se rapprochent. Pourquoi me battre ? J’hésite à cesser de courir, tenter de les affronter maintenant, à mains nues et mourir à coup sûr. Que la mort, alors que mes poumons en feux m’appellent de leur abandon, peut paraître attirante. C’est dans cet état de semi-conscience, de semi-inconscience que je commence à ralentir, accentuant encore la vitesse à laquelle le temps qui me sépare de la mort diminue.
C’est alors que je l’entends. Je l’avais oublié, en moi renaît l’ultime espoir. J’use de mes dernières forces pour me remettre à courir. Ma vue trouble, s’assombrit encore. Je courre presque à l’aveugle, évitant de justesse les troncs, mon visage fouettait par les branches, encore et encore. Je ne me retourne pas, je n’en ai pas la force, quand j’arrive sur les bords abruptes de saillie rocheuse au fond de laquelle coule une rivière. Je tombe sans m’arrêter, je chute d’une dizaine de mètres avant de percuter la surface glaciale. Le courant torrentiel m’emporte immédiatement, me tournant et me retournant. J’essaye de remonter à la surface, ma bouche jaillit et aspire à grand bruit, mais je suis déjà à nouveau noyée par les remous. Je n’arrive pas à combattre le courant. Le froid m’assomme et m’empêche de lutter. Je suis rouée de coup par les roches qui parsème le courant. Je sombre de plus en plus profondément. Je lutte de plus en plus faiblement.
Puis c’est le noir… Puis l’obscurité…
Sur ma vie, elle tombe.
Puis la nuit.
vendredi 30 novembre 2007
Nuits, épisode 4
--- Eleken,
Accouché dans la douleur :op
J'ai manqué de temps cette semaine, désolé
Allez, l'épisode 5 bientôt (et le 6 également en préparation)
Ecrit par Eleken à 14:38
Catégorie : Mes textes
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