samedi 11 novembre 2006

Lettre à Annia, Samedi 11 Novembre, Empire des Francs

À toi mon amie,

J’ai fait un rêve cette nuit. Première nuit calme depuis bientôt trois semaines où les obus se sont tus et ont laissé les songes s’insinuer à moi. Dans ce rêve, je marchais sur une route de par chez nous, là-bas où il fait chaud. Le soleil était haut dans le ciel et frappait fort. La terre était brûlante tout comme l’air qui ondoyait de tous côtés. Je marchais néanmoins gaiement dans cette fournaise, car je savais que ce qui m’attendait au bout du chemin, c’était ma maison. Je t’ai alors aperçue de l’autre côté de la route, tu marchais dans le même sens que moi et tu ne m’avais pas encore aperçue. J’ai pressé le pas pour essayer de te rattraper, mais plus j’avais l’impression de me rapprocher plus je m’apercevais que tu étais éloigné de moi. Un sentiment de détresse s’insinuait en moi. Je criais ton nom, hurler à ton encontre, mais tu ne réagissais pas, tu n’entendais pas… Et puis tu as disparu. J’ai su alors, que je t’avais perdu à jamais et que même si je rentrais jusque chez moi, tu ne serais pas là à m’attendre sous les tilleuls de notre enfance. La table à l’ombre serait vide et ne me fournirait que la mort. Ce rêve m’a ouvert les yeux. J’ai compris que ma place n’était pas ici mais à tes côtés maintenant et tout de suite, que je ne pouvais plus me permettre d’attendre que les événements nous rapprochent, que cette guerre se termine, mais de faire le chemin moi-même.

Ton absence me brûle comme les flammes de l’enfer. Je lutte chaque jour pour survivre, mais pourquoi, si c’est pour vivre loin de toi ? Je veux rentrer, je veux te serrer dans mes bras. Je veux arrête de souffrir chaque matin, chaque jour, chaque nuit de ton absence. À tout instant de ma vie je pense à toi, je rêve de toi. Parfois je ressens douloureusement ta présence dans mes pensées et ton absence à mes côtés, je ne peux alors contenir mes larmes qui ruissellent le long de mes joues mal rasées. J’aimerais tellement te voir et toucher ta peau, sentir ton odeur. J’ignore si tu ressens pour moi le même manque ou si j’appartiens au passé, si mon absence t’est douloureuse comme celle qui m’enserre le cœur dans un étau de braise, mais je ne saurais continuer à vivre dans cette ignorance.

J’ai décidé de déserter, de quitter le droit chemin qui m’est imposé par la patrie. Je te veux toi, et nul devoir ne me détournera de toi, nulle armée ne m’empêchera de rentrer à tes côtés, nul mot ne me convaincra du contraire, nul homme ne pourra m’arrêter.

Te revoir au moins une fois avant de mourir, de vieillesse ou au peloton car je n'ai plus besoin d'écrire ce que je ne pouvais te dire, ces questions que je laissais sans réponse. Maintenant je peux le dire, le crier, le murmurer ou le hurler s’il le faut... J’attends pour cela d’être à tes côtés. Mais sache-le, oui sache-le.

En mettant tous mes espoirs dans nos retrouvailles, j’espère que tu m’as attendu,
j’espère que tu m’as entendu. Ton dévoué et ami,

Alexis.

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